Banques et Finances

Nouvelle réglementation des changes : les industriels camerounais sollicitent des allègements auprès de la Beac

Si la Beac, le texte entré en vigueur dès le 1er janvier 2019 a permis d’éloigner le spectre d’une dévaluation du Fcfa, grâce notamment au renforcement des réserves de +108,1%, les industriels de leur côté se plaignent d’un trop plein de procédures qui renchérissent les coûts d’importations.

La réforme de la réglementation des changes intervenue il y a 5 ans à travers le règlement no2/18 du 21 décembre 2018 de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) et de l’Union monétaire de l’Afrique centrale (Umac), visait entres objectifs : redéfinir le rôle de la Banque centrale dans le dispositif juridique et opérationnel de la règlementation des changes dans le sens de le mettre en conformité avec ses missions statutaires, dont la conduite de la politique de change de la Communauté; contribuer à la stabilité externe de la monnaie à travers une optimisation des transactions financières extérieures, de manière à minimiser les sorties des devises non causées et maximiser les entrées de devises provenant des activités légales ; renforcer le cadre réglementaire du change manuel ; et adapter la règlementation des changes aux problématiques liées aux nouveaux moyens de paiement, aux institutions de transfert de fonds et à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme.

Cinq ans après, la mise en application des dispositions du texte entré en vigueur dès le 1er janvier 2019 a permis, malgré l’enchainement des crises, d’écarter toute hypothèse de dévaluation du Fcfa, à travers le renforcement notable des réserves de changes. Celles-ci sont ainsi passées de 3 218,38 milliards Fcfa en 2017 à 6 698,85 milliards Fcfa au 31 décembre 2023, soit une hausse de +108,1% en valeur relative. Sur la même période, le taux de couverture extérieure de la monnaie a progressé de 57,51% à 69,86% (+12,35 points).

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Ces informations émanent de la Banque des Etats de l’Afrique centrale (Beac). Lors d’une rencontre avec les leaders du Syndicat des industriels du Cameroun (Syndustricam), le 28 mars dernier à Douala, le directeur national de la Beac pour le Cameroun, Pierre-Emmanuel Nkoa Ayissi, a expliqué que la nouvelle réglementation a également permis, entre autres retombées positives, de sécuriser les recettes fiscales des Etats grâces aux contrôles réguliers effectués par la Banque centrale afin de s’assurer de l’acquittement des impôts dus sur toute opération avec l’étranger. Les bénéfices tirés du nouveau dispositif règlementaire se traduisent également par une augmentation des sorties de devises de la zone Cemac, qui sont passées de 2 816,53 milliards Fcfa en 2018 à 12 707,61 milliards Fcfa en 2023. Parallèlement, les rétrocessions de devises de la zone Cemac ont bondi, passant de 3 277,85 milliards Fcfa en 2018 à 11 962,361 milliards Fcfa en 2023. L’on note en outre l’ouverture d’une cinquantaine de comptes en faveur des entreprises du secteur extractif logés dans les banques commerciales de la zone dans 05 devises différentes (euros, dollars américains et canadiens, yuan et livres sterling).

Pilule amère pour les entreprises

Une avancée majeure grâce à laquelle les comptes des entreprises du secteur extractif enregistrent un solde de plus de près de 754 milliards Fcfa au 31 décembre 2023, soit 11,2% des réserves de change de la Cemac à cette date. En clair, la zone Cemac est aujourd’hui plus en capacité de préserver la stabilité de sa monnaie et garantir ainsi ses capacités de commercer avec l’extérieur à court, moyen et longs termes. La pilule est cependant très amère pour les entreprises de l’espace communautaire. Elles vivent même « un véritable supplice », selon le président du Syndustricam. Lors de la rencontre mentionnée supra avec le directeur national de la Beac pour le Cameroun, Samuel Njanga Kondo a fait part d’une kyrielle de plaintes des industries et dénoncé une forme de ponce-pilatisme de leurs partenaires du secteur monétaire et financier.

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« Nous ne comprenons pas l’utilité de plusieurs demandes qui nous sont faites. Nous observons que nos premiers interlocuteurs, les banques et vous, la Banque centrale, vous vous rejetez régulièrement les responsabilités. Les premiers disent n’observer que vos injonctions tandis que lorsque l’on vous rencontre, le son de cloche est différent. Nous observons que vis-à-vis de nous, les créateurs de richesses, c’est la présomption de culpabilité qui prévaut. Nous observons qu’à chaque opération, le regard qui est posé sur nous ne tient ni compte de notre notoriété, ni de la spécificité de nos activités et encore moins de nos antécédents et des efforts que nous avons déjà consentis pour se mettre en conformité avec la réglementation. Et pourtant, nous pensons que l’on peut faire mieux et parvenir toujours aux objectifs qui sous-tendent la règlementation de changes », a-t-il relevé.

Tracasseries

Les industriels se plaignent, notamment, d’une multitude de procédures complexes et sans cesse en évolution. Par exemple, en septembre 2020, c’est-à-dire, en pleine crise sanitaire de la Covid-19, l’on a procédé à un relèvement du taux de la commission (de 0,25% à 0,5%) à prélever par la Beac sur les transferts sortants hors Cemac pour le compte des intermédiaires agréés, à travers l’instruction n°002/GR/2020. Objectif avoué : inciter les banques commerciales à limiter le recours à la Banque centrale pour le préfinancement (mise à disposition des devises) de opérations de transferts et leur offrir une marge de taux qu’elles peuvent faire profiter à leurs clients en utilisant prioritairement les devises en leur possession. Dans la pratique, dénonce le Syndustricam, ce relèvement de taux est systématiquement répercuté aux entreprises et renchérit les coûts à l’importation.

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Autre procédure jugée tracassière par les industriels, en septembre 2021, une lettre circulaire de la Beac fait obligation de traiter directement sur eTransfer tous les éléments d’apurement des dossiers de transferts supérieurs à 50 millions Fcfa, de rejeter systématiquement tout dossier pour lequel l’alerte de non-apurement apparaîtra lors de sa validation dans eTransfer. Dans le même sillage, une lettre circulaire de la Beac adressée aux directeurs généraux des banques datant de février 2022, fait obligation pour les entreprises de présenter des attestations de non-défaut d’apurement (validité d’un mois) produits par chaque banque où elles détiennent un compte en support à toute demande de transfert.

Transparence

Pour juguler la situation, le Syndustricam préconise, s’agissant des délais de transfert, de faire un monitoring des délais de traitement des demandes de transfert avec une déclinaison sur la répartition des responsabilités ; renforcer la crédibilité des Lettres de crédits (conditions de traitements spécifiques). Pour ce qui est des coûts de transfert, les entrepreneurs souhaitent que soit améliorée la transparence sur les frais rentrants dans la facturation des commissions de transfert (commission SWIFT, frais de documentation, frais de recherche, frais de correspondant, frais de banque de France, Commission Beac). Ils proposent également un contrôle accru des conditions de banques (confiscation des surplus et/ou obligation de restitution aux clients des surcoûts facturés), etc.

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