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Affaire Danpullo-MTN: la position du secteur bancaire se fissure sur le transfert des fonds de MTN

C’est un rebondissement auquel Baba Ahmadou Danpullo ne s’attendait certainement pas. Dans le cadre de la procédure qui oppose le milliardaire camerounais à la filiale locale du groupe sud-africain MTN, le secteur bancaire semble afficher des divergences quant aux injonctions de la justice en sa faveur.

Au lendemain de l’ordonnance de référé rendue le 9 juin 2023 par le juge du tribunal de première instance (TPI) de Douala-Bonanjo, invitant les banques qui abritent les fonds de MTN Cameroun et sa filiale Mobile Money Coorporation (MMC), deux des 7 établissements de crédits concernés se sont exécutés. Il s’agit de UBC et SCB (filiale d’Attijariwafa) qui ont reversés respectivement 113,316 millions de FCFA et 899,741 millions de FCFA au séquestre désigné soit un montant global de 1,013 milliards de FCFA représentant seulement 0,73% des 138 milliards de FCFA attendus, apprend-on. 

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Fissures

Ces transferts effectués quelques jours seulement après la décision de justice (le 9 juin pour SCB et le 15 juin pour UBC) contrastent avec celle des banques restantes à savoir Afriland First Bank, Citibank, UBA, Standard Chartered et Ecobank. Ces dernières n’ont toujours pas donné suite à l’injonction du juge malgré la menace d’une amende de 100 millions de FCFA par jour de retard pour Afriland et la moitié pour le reste. Pourtant, la banque du milliardaire camerounais Paul Fokam Kammogne avait initié une démarche de reversement. « En exécution de l’Ordonnance de référé rendue ce 09 juin 2023, dans l’affaire ci-dessus visée, vous voudriez bien nous indiquer le compte séquestre dans lequel devra être virée la somme de FCFA 5. 038.426.485 (Cinq milliards trente-huit Millions quatre cent vingt-six mille quatre cent quatre-vingt cinq francs) représentant le montant total des sommes reconnues par nous et cantonnées dans nos livres suites à ces saisies, » peut-on lire dans la copie d’une correspondance parvenue à notre rédaction et datée du 09 juin de la Direction juridique d’Afriland First Bank pour le littoral au greffier en chef du TPI de Douala Bonanjo. 

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Alors que les numéros de comptes lui seront communiqués, Afriland n’exécute pas le transfert. Selon nos informations, la banque qui dit vouloir attendre l’issue de la procédure pendante devant la cour d’appel statuant en matière de défenses à exécution affirme aussi s’être alignée à la position de l’Apeccam. Les autres banques se sont également mises sur cette position. « Le traitement de ce dossier fait désormais l’objet d’un consensus autour de l’Apeccam, » nous laisse entendre une source bancaire impliquée dans le dossier. 

En effet, MTN Cameroon a fait appel de la décision du TPI et si elle obtient gain de cause, le camp Danpullo devra attendre la fin de la procédure pour espérer s’accaparer de cet argent. Dans le cas contraire, toutes les banques seront obligées de reverser les sommes saisies au greffier en Chef désigné comme séquestre, sous peine de payer les astreintes. Cette ordonnance sur requête prévoit aussi une rémunération trimestrielle du fonctionnaire de l’administration judiciaire de 0,3% de cette somme, soit 432 millions de FCFA. Ce qui pourrait déjà faire perdre à l’opérateur de téléphonie mobile un peu plus de 1,7 milliard de FCFA par an, alors que le fond de l’affaire n’a même pas encore été examiné. La deuxième audience de cette procédure de défense à exécution était prévue le 14 juillet dernier mais elle a été renvoyée pour des raisons que nous ignorons encore.

Compte Mobile Money insaisissable

L’autre opposition que rencontre le TPI est celle liée à la saisine du « compte float » de MMC, également logé chez Afriland First Bank. Sur ce compte, se trouve la contrepartie des unités de valeur que chaque utilisateur de ce service détient dans son téléphone. L’ordonnance du 9 juin intègre également ce montant, ce qui suppose, au sens de la décision de justice de saisir l’argent des utilisateurs qui n’appartient pourtant pas à MTN Cameroon . Sur ce point, Afriland proteste énergiquement avec le soutien de la Banque des États de l’Afrique centrale (Beac) pour que ce compte réputé insaisissable, ne le soit pas. Une posture légitime qui priverait Baba Danpullo de 120 milliards de FCFA sur les 138 milliards qu’il espère récupérer dans les comptes de MTN Cameroon pour couvrir la « spoliation » dont il se dit victime en Afrique du Sud. « Il s’agit d’une ruse de Afriland First Bank. Nous allons bientôt démontrer que ce compte n’appartient pas au Mobile money » nous laisse encore entendre une source proche de Baba Danpullo. 

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MTN joue sa survie

Pour MTN Cameroon , la décision du juge d’appel sera déterminante pour la suite de la longue bataille judiciaire que l’entreprise est forcée de mener depuis septembre 2022. Il en est de même pour son avenir dans le pays car après 23 ans d’activités, le futur de cet opérateur de téléphonie qui revendique plus de 12 millions d’abonnés se voit désormais en pointillés. Dans un communiqué, Mitwa Ngambi, DG de MTN Cameroon avait déclaré que la bataille judiciaire en cours « mettait gravement en péril » la poursuite des activités de l’opérateur dans le pays. « Nous sommes par conséquent choqués d’être mêlés à cette affaire par l’intermédiaire d’un tribunal camerounais où Bestinver a pu obtenir des ordonnances de saisie des comptes bancaires de sociétés sud-africaines basées au Cameroun, même si ces sociétés ne sont pas directement ou indirectement impliquées dans le litige en Afrique du Sud ». 

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Dans sa bataille judiciaire, la multinationale s’est également attaché les services d’un allié de poids, qui est la Caisse des dépôts et consignations (CDEC) du Cameroun appelée à intervenir dans le cadre de la mise sous séquestre des fonds de MTN Cameroon. Dans ses prétentions formulées à l’attention du juge d’appel, la Caisse des dépôts et consignations estime que l’ordonnance querellée est illégale. « la CDEC étant fonctionnelle depuis le 20 janvier 2023, c’est à tort et en violation des dispositions légales sus reprises que le juge des requêtes et le juge de référé du tribunal de première instance de Douala-Bonanjo ont désigné et conforté le greffier en chef de cette juridiction comme séquestre des sommes conservatoirement saisies entre les mains de banques, tiers saisis ».

Pour ces raisons et bien d’autres, la CDEC demande au juge d’appel d’« ordonner les défenses à exécution de l’ordonnance de référé N° 299 rendu le 9 juin 2023 par le juge des référés du tribunal de première instance de Douala-Bonanjo sollicitées en l’espèce par la société MTN Cameroon SA ».

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