Jour : 15 juin 2020

  • Levée de fonds : la Cosumaf dénonce des escrocs

    « Tout ce qui brille n’est pas de l’or », dit un adage. C’est en substance à cet appel à la prudence que la Commission de surveillance des marchés financiers en Afrique centrale (Cosumaf) appelle les populations de la sous-région. Depuis plusieurs semaines voire des mois, deux structures se sont lancées dans des activités de collecte publique de fonds, via les multiples canaux internet. Dans un communiqué du 8 juin 2020, la Cosumaf, donne l’alerte sur les activités suspectes de « Crowd1 » et « Le Coffre de luxe ».

    Selon le président de la Cosumaf, Nagoum Yamassoum, « Les activités de démarchage, de publicité, de sollicitation des fonds pour des placements financiers avec une promesse de rendement auxquelles se livrent, depuis plusieurs semaines ces entités constituent des opérations de sollicitation illicites de public dans la mesure où aucune entité ne peut intervenir sur le marché financier régional pour solliciter le public en vue d’un placement financier sans avoir sollicité et obtenu préalablement un agrément, une habilitation ou une autorisation auprès de la Cosumaf aux fins de débuter ses activités, de fournir ses prestations ou d’initier ses opérations ».

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    En droite ligne de ses missions qui est de protéger l’épargne publique en Afrique centrale, l’organisme communautaire attire donc l’attention des populations de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) sur « ces cas d’escroquerie qui sévissent actuellement et en appelle à la plus grande vigilance quant à toutes les offres de placement non autorisées ». Le gendarme des marchés financiers met d’ailleurs une emphase sur le Gabon, pays dans lequel une des entité mise en cause, Crowd1 », est la plus active. Elle serait aussi présente au Cameroun et ses adhérents ne lésinent pas sur les moyens pour attirer de nouveaux « clients ».

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    Selon des sources, Crowd1 est une entreprise créée en Espagne depuis 2007 et spécialisée dans les jeux vidéo, notamment en ligne. Aujourd’hui répandue dans le monde, et en Afrique Centrale (Cameroun et Gabon), elle propose « des droits à propriété que les membres se procurent chaque semaine, quantité en fonction du pack détenu, avec des taux de rémunération mirobolants… Concernant « Le Coffre de luxe », peu d’informations existent mais il est actif dans le même segment de marketing digital rémunéré. Au Gabon, par exemple, le gouvernement a ouvert une enquête pour en savoir plus sur ces activités.

    Mais déjà, la Cosumaf rappelle aux promoteurs de ces plateformes que « seuls les intermédiaires agréés du marché peuvent exercer les activités de collecte de fonds auprès du public. Sur eux pèsent, outre la menace des poursuites pénales, de lourdes sanctions conformément à l’article 388 du règlement général de la Cosumaf ».

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    En effet, l’instruction du 17 septembre 2015 relative aux sanctions disciplinaires et pécuniaires prononcées par la Cosumaf, les personnes ou organismes coupables de manquements ou violations des dispositions législatives et règlementaires encadrant l’organisation et le fonctionnement du marché financier de l’Afrique centrale des sanctions pécuniaires pouvant aller jusqu’à 20 millions de FCFA par infraction.

  • Câble sous-marin 2Africa : Facebook exclu le Cameroun

    D’ici trois à quatre ans, le continent africain sera cein­turé par 37 000 kilomètres de câble sous-marin qui vont le turbo-porter au coeur de l’Internet mon­dial. Initié par Facebook, le projet de câble baptisé 2Africa (Il s’appelait à l’origine Simba), va four­nir au continent, selon ses promoteurs, une capacité pouvant atteindre 180 térabits par seconde, soit trois fois les capacités cumulées des câbles qui desservent actuellement l’Afrique. Six autres grandes entreprises des télécommunications (China Mobile Internatio­nal, MTN Global Connect, Orange, Saudi Telecom Company, Telecom Egypt Vodafone), entre autres, accompagnent Facebook dans le financement de ce projet, qui reliera l’Eu­rope de l’Ouest au Moyen Orient et à 16 pays afri­cains (voir illustration).

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    C’est l’entreprise Alca­tel Submarine Networks (ASN) qui a été chargée de la construction de ce gigantesque câble sous-marin, l’un des plus longs au monde, qui va parcou­rir la Méditerranée, la mer Rouge, le golfe d’Aden, la côte africaine de l’océan Indien jusqu’au cap de Bonne-Espérance, avant de remonter l’océan Atlan­tique jusqu’en Grande- Bretagne.

    Le câble 2Africa «apporte­ra à de nombreuses régions d’Afrique la connectivité Internet et la fiabilité dont elles ont tant besoin. Il répondra à la demande de capacité toujours plus im­portante au Moyen-Orient et facilitera le déploiement de la 4G, de la 5G et de l’accès haut débit fixe pour des centaines de millions de personnes», estimaient les associés du projet il y a quelques jours, dans un communiqué.

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    Absence remarquable

    Dans le golfe de Guinée, le Nigeria, le Gabon, la République du Congo et la République Démocratique du Congo seront connectés à ce câble, à partir de leurs façades atlantiques. Les côtes camerounaises ont quant à elles, été soigneu­sement évitées par les por­teurs du projet. S’agissant de la première économie de l’Afrique centrale et qui donne à cette sous-région la moitié de sa population, cette absence n’est que trop remarquable, d’autant que selon les informations obtenues par EcoMatin, les caractéristiques de ce câble sous-marin auraient permis au Cameroun de bénéficier du double de l’ensemble de ce dont le pays dis­pose comme capacités de connexion à l’Internet mondial. Alors pourquoi le Cameroun a-t-il été évité par ce projet ?

    Selon les informations d’EcoMatin, le pays paie ainsi le prix du monopole décidé par l’Etat au béné­fice de la Cameroon Tele­communications (Cam­tel), l’opérateur public des télécommunications, dans la gestion de la fibre optique et les points d’at­terrissage des câbles sous-marins au Cameroun. Or Facebook et ses associés dans le projet, l’ont voulu «Open Access», (c’est sous le même mode que fonctionne le câble WACS auquel le Cameroun est aussi connecté), c’est-à-dire ouvert à tous les opé­rateurs, sans restrictions.

    Contacté par EcoMatin, un haut responsable du minis­tère des Postes et Télécom­munications qui confirme cette information, tente de minimiser l’affaire: «S’il est vrai que le Cameroun n’a pas été retenu, il est tout aussi vrai qu’il n’en a pas été définitivement exclu. Nous pouvons tou­jours faire une demande d’adhésion au projet et négocier avec les porteurs de ce projet. Mais cette option, c’est la hiérarchie qui doit la prendre», ex­plique-t-il.

    Souveraineté

    «Mais, nous ne revien­drons pas sur nos lois internes, pour faire plai­sir à ces multinationales. Vous savez pourquoi cer­taines exclusivités ont été accordées à Camtel dans ce secteur : c’était pour lui permettre de rattraper son retard par rapport à ses concurrents. Mais ces exclusivités ne sont pas éternelles. Lorsqu’elles le jugeront opportun, les plus hautes autorités de notre pays pourront lever ces restrictions. Mais ce ne sera pas sous le coup du diktat de l’extérieur. Le Cameroun a une stra­tégie ambitieuse en ma­tière de TIC comme l’a souvent rappelé le pré­sident de la République et nous sommes prêts à nous associer à tout projet qui oeuvre dans ce sens, à condition que la souverai­neté de notre pays soit res­pectée», poursuit, intransi­geant, ce haut responsable.

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    «Il faut comprendre la lo­gique qui sous-tend le dé­ploiement de cette grande infrastructure : des géants comme Facebook ne cherchent pas une ren­tabilité financière immé­diate. Mais ils travaillent, avec leurs pays, dans un projet hégémonique d’envergure planétaire, à contrôler l’Internet mon­dial : ses infrastructures, son contenu», commente un expert en TIC. Qui poursuit : «Ils ont pour ambition de connecter le monde entier et, ainsi de le contrôler en tous points de vue, en ayant notamment accès aux informations et données que nous échan­geons. C’est bien pour cela qu’ils ont décidé que leur infrastructure serait «Open Access», c’est-à-dire accessible à tout le monde. Dans cette op­tique, les lois nationales restrictives n’arrangent pas leurs ambitions».

    Banque mondiale

    L’affaire a le don d’épui­ser la patience de Beau­gas Orain Djoyum, le fon­dateur et CEO de Digital Business Africa, un maga­zine consacré aux Techno­logies de l’Information et de la Communication, aux Télécommunications et au numérique. «Ce projet présente sans le moindre doute de nombreux avan­tages dont le moindre n’est certainement pas le fait de disposer d’une aussi grande infrastruc­ture. Mais l’inconvénient, c’est que vous ne contrô­lez pas cette infrastruc­ture. Et ça, ce n’est pas rien», s’inquiète-t-il, avant de poursuivre, volontiers cocardier : «Je pense que la stratégie du Cameroun n’est pas mauvaise. La fibre optique fait partie de ce qu’on appelle des infrastructures de sou­veraineté. Et il est tout à fait normal que l’Etat garde le contrôle de cette infrastructure. Ça ne coûte rien à ces multi­nationales d’entrer en négociations avec l’Etat et surtout, de respecter la réglementation natio­nale. Vous ne pouvez pas arriver aux Etats Unis et y installer des infras­tructures numériques en dehors de la loi, ou exi­ger un changement de loi. Vous connaissez certaine­ment les problèmes que le géant chinois Huawei a aux Etats Unis. Pour­quoi quand ils arrivent en Afrique, ils se plaignent des lois nationales et uti­lisent leurs moyens pour ne pas les respecter?».

    «Il ne faut pas oublier que la Banque mondiale est derrière ce projet. Or vous savez que la Banque mon­diale a toujours plaidé pour l’abolition du mono­pole accordé à Camtel, et qu’elle a toujours encou­ragé les dirigeants came­rounais à démanteler la Camtel», conclut Beaugas Orain Djoyum.

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