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APE Cameroun-UE : l’ambassadeur de l’Union européenne fait le point

A la suite de l’article publié dans les colonnes du journal EcoMatin, édition N°439 du 16 juin intitulée « Les produits camerounais refoulés aux portes de l’Europe », l’ambassadeur de l’Union Européenne au Cameroun a tenu à apporter quelques clarifications. Philippe Van Damme donne les raisons de ce refoulement des produits camerounais et en profite pour dresser un état des lieux des relations commerciales entre le Cameroun et l’Union européenne non sans relever les bénéfices, que l’Accord de Partenariat Economique (APE) Cameroun-UE offre aux opérateurs économiques camerounais.

Suite à l’article publié en première page de ce journal le 16 juin « Les produits camerounais refoulés aux portes de l’Europe », quelques clarifications me semblent nécessaires sur l’état des relations commerciales entre le Cameroun et l’Union européenne et sur les bénéfices, trop souvent oubliés par la presse, que l’Accord de Partenariat Economique (APE) Cameroun-UE offre aux opérateurs camerounais.

En premier lieu, il faut rappeler que l’Union européenne est, de loin, le premier marché pour l’économie camerounaise, destinataire de plus de 40% des exportations officiellement déclarées du pays. Si on prend à part l’exceptionnelle année 2020, avec ses perturbations liées à la pandémie, la tendance est à la hausse. En 2019, par exemple, le Cameroun a exporté vers l’UE 20% de plus qu’en 2015.

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Ensuite, grâce à l’APE, tout produit «made in Cameroon» peut être exporté vers l’UE sans le moindre droit de douane ou limitation quantitative. C’est grâce à cette exonération, par exemple, qu’on peut trouver en Europe des bananes d’origine camerounaise, alors qu’on n’y trouvera pas de bananes en provenance du Nigeria. Ce dernier, en effet, n’a pas encore signé un APE et le prix de ses bananes, alourdi par le droit de douane, n’est pas compétitif en Europe.

Enfin, entre 2016 et 2020, le Cameroun a exporté 15,5 millions de tonnes de marchandises vers les pays de l’Union européenne (source : Eurostat). Les cas de refoulement des marchandises importées au frontières de l’Europe pour des raisons de sureté des aliments se trouvent dans une base de données accessible en ligne : la RASFF, ou en Anglais « Rapid Alert System for Food and Feed ». Selon cette base de données, jusqu’à novembre 2020 (dernières données disponibles), seulement 15 tonnes de ces marchandises ont été refoulées par l’UE (une dizaine de tonnes d’ananas, un peu d’arachide, du haricot, du piment et du café) : pas même un millionième de la quantité totale exportée. Ni le cacao, ni la banane n’apparaissent sur la liste de produits refoulés.

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Les motifs de ces quelques refoulements ? Principalement, la présence de substances connues pour leur cancérogénicité et donc interdites en Europe : des colorants, des aflatoxines (moisissure) et des pesticides.

S’agit-il réellement de mesures disproportionnées, imposées d’une manière abrupte ? Loin de là. S’il est vrai qu’il y a un renforcement graduel des règles européennes en matière de la présence des pesticides dans les produits alimentaires, ces règles sont justifiées par l’objectif de protéger la santé des consommateurs et l’environnement et n’arrivent pas par surprise.

Prenons par exemple l’interdiction d’utilisation du chlorpyrifos, le pesticide dont des résidus ont été détectés dans des cargaisons de café camerounais refoulées en décembre 2020 à la frontière européenne. Cette interdiction était déjà prévisible depuis août 2019, c’est-à-dire au moment où l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), dans son évaluation en vue d’un potentiel prolongement d’autorisation de cette substance, avait été catégorique sur les effets néfastes de chlorpyrifos pour la santé humaine, notamment pour ce qui concerne des troubles neurologiques pour les enfants à naître.

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Quelques mois plus tard, en décembre 2019, le processus règlementaire en Europe progresse, et la décision à venir est notifiée formellement à tous les partenaires commerciaux via le système de notification de l’Organisation Mondiale du Commerce, dont le Cameroun est membre. L’interdiction par rapport à des traces de la substance dans les produits mis à la vente en Europe devient effective seulement à la mi-novembre 2020. Cela fait donc presque un an que les autorités des pays partenaires sont au courant, un an donc pour s’y préparer.

Rappelons aussi que cette règlementation s’applique, de manière égale, aux produits européens comme non-européens. Le but est de s’assurer que le consommateur ne soit plus exposé aux risques liés à la substance en question, peu importe la provenance des produits mis en circulation sur le marché européen.

Un effet espéré et indirect de cette réglementation est de voir nos partenaires commerciaux se préoccuper, non seulement de la continuité de leur exportation, mais aussi de la santé de leurs propres citoyens. Si les résultats scientifiques montrent la nocivité d’un pesticide, n’est-ce pas opportun pour un gouvernement de ne pas tarder à protéger sa propre population en l’interdisant ? C’est d’ailleurs ce que les autorités du Cameroun ont fait : depuis mars 2021, le chlorpyrifos n’apparait plus dans la liste de pesticides homologués au Cameroun.

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Toutefois, la difficulté des producteurs agricoles à trouver des moyens de remplacement aux pesticides interdits dans un temps relativement court est compréhensible. Pour cela, l’UE met à disposition ses experts et des moyens financiers pour accompagner ses partenaires commerciaux et leurs producteurs dans le processus d’adaptation.

A la demande des autorités camerounaises, une mission d’expert, connue sous le nom de «TAIEX», est actuellement en train d’être mise en place pour permettre aux principaux concernés d’avoir plus de clarté sur les alternatives aux pesticides déjà proscrits par l’Europe et ceux voués à disparaître dans un avenir proche.

Pour ce qui est d’un accompagnement concret sur la période 2016-2019, l’UE a dépensé près de 2 millions d’euros dans des programmes d’adaptation de producteurs camerounais de fruits et légumes aux normes européennes et cela via une de ses initiatives connues sous le nom de «COLEACP».

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Ainsi, en regardant de près, il est difficile de voir des blocages massifs ou encore du protectionnisme européen. Si l’Europe vise à protéger, c’est n’est pas son marché, mais la santé des consommateurs. En plus, vu que la réglementation européenne a un effet normatif et d’exemplarité souvent suivi ailleurs, un pays qui est apte à exporter vers l’Union européenne sera apte également à exporter le même produit dans la plupart des autres pays tiers.

Et si l’APE est régulièrement critiqué, il ne faut pas oublier les opérateurs camerounais qui bénéficient de cet accord. Si on prend l’exemple de l’année 2019, en un an seulement, les entreprises camerounaises exportatrices de produits vers l’UE (principalement bananes, beurre et pâte de cacao, aluminium, feuilles de placages et huiles de pétrole) ont économisé 27 milliards de FCFA grâce à l’exonération de droits de douane donnée par l’APE. En un an, elles ont donc économisé plus que la moins-value fiscale (25 milliards FCFA) estimé par la Douane camerounaise pour la période couvrant la mise en application de l’APE ces cinq dernières années! Mais surtout, grâce à l’APE, des entreprises ont pu exporter vers l’Europe des produits qui ne seraient pas compétitifs sans l’exonération offerte par cet accord, générant ainsi des devises, des emplois et un revenu taxable supplémentaire pour l’état.

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Il ne faut oublier non plus qu’en réalité, la « moins-value fiscale » veut dire une épargne équivalente pour les entreprises camerounaises ; entreprises qui importent depuis l’UE des ingrédients et des machines pour développer la production camerounaise. Certes, du point de vue du budget national, cela peut être perçu comme un manque à gagner à court terme. Mais quel coup de pouce important pour le business camerounais ! Le dynamisme à l’exportation, ainsi créé, offre l’opportunité pour remplacer graduellement la fiscalité de porte (également sous pression dans le cadre de l’intégration régionale et continentale dans le cadre de la Zone de Libre Echange continental Africain « ZLECAf ») par une fiscalité interne et pour mettre en œuvre des réformes plus incitatives de cette fiscalité interne sans impact budgétaire négatif.

Après son entrée en vigueur il y a six années, l’APE porte donc déjà des fruits mais a encore plein d’opportunités à offrir aux opérateurs économiques camerounais. Une campagne d’information et de sensibilisation aux potentialités toujours sous-exploitées de l’APE est en préparation en collaboration étroite avec le gouvernement et le patronat camerounais.

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