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Blanchiment des capitaux : les organismes à but non lucratif dans le viseur des autorités centrafricaines

A la suite du Gabac qui considère la République centrafricaine comme un pays surexposé au risque de blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme, les autorités redoutent que ces entités ne puissent servir de cheval de Troie pour la déstabilisation de la Centrafrique et les Etats de la sous-région.

En République centrafricaine (RCA), l’Agence nationale d’investigation financière (Anif) a lancé il y a quelques semaines, des ateliers de sensibilisation sur le règlement Cemac du 11 avril 2016 relatif au blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, à l’intention des organismes à but non lucratif (OBNL). Ces entités sont en effet potentiellement dangereuses, selon le Groupe d’action contre le blanchiment d’argent en Afrique centrale (Gabac), car pouvant servir de cheval de Troie pour « déstabiliser ou financer le terrorisme dans les Etats de la sous régions ». L’Anif qui supervise les ateliers de sensibilisation susmentionnés, appelle ces organismes qui foisonnent sous diverses chapelles en RCA à un « devoir de vigilance et à travailler avec une âme saine remplie de conscience professionnelle ».

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La Centrafrique a adopté en avril 2022 une loi régissant les transactions liées aux cryptomonnaies. Le pays va, après la phase de sensibilisation qui cible la plupart des secteurs dans une approche globale, produire son tout premier rapport sur la lutte contre le blanchiment d’argent dans le domaine particulier des organismes à but non lucratif. Dans son rapport d’évaluation des mesures de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme publié en novembre dernier, le Gabac relève justement les lacunes ci-après en République centrafricaine : absence de sensibilisation du secteur des associations aux risques d’utilisation abusive à des fins de financement du terrorisme, absence d’obligation de conserver les pièces justificatives de leurs opérations financières, et de publier des états financiers annuels et absence de dispositif de suivi et de contrôle des associations, etc.

Cette instance souligne par ailleurs qu’au moment de leurs enquêtes, ses experts ont remarqué que la RCA n’avait pas « fait la preuve des campagnes de sensibilisation et d’éducation visant à encourager et approfondir les connaissances au sein des ONBL et de la communauté des donateurs sur les vulnérabilités potentielles de ces organismes  face à l’exploitation à des fins de financement du terrorisme et aux risques de financement du terrorisme, et sur les mesures que les OBNL peuvent prendre pour se protéger d’une telle exploitation ; La RCA n’a pas fait la preuve des initiatives de travail entreprises avec les OBNL pour mettre au point les meilleures pratiques qui permettent de répondre aux risques de financement du terrorisme et aux vulnérabilités, et de les protéger ainsi contre toute exploitation à des fins de Financement du terrorisme ». Au sens de l’article 46 (6) du règlement Cemac mentionné supra, les OBNL établies en RCA sont en effet tenus par les dispositions législatives et encouragés à effectuer leurs opérations par l’intermédiaire de circuits financiers réglementés. Mais, du fait de défaillances structurelles, le pays est exposé à un éventail de risques.

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« La menace de blanchiment de capitaux se manifeste par la commission d’une gamme d’infractions sous-jacentes qui sont récurrentes et qui génèrent d’énormes profits financiers. Il s’agit du détournement de deniers publics, du trafic illicite des pierres et métaux précieux, du trafic de stupéfiants, de la corruption, du trafic des produits fauniques et ligneux, de l’abus de confiance, des transactions immobilières illicites, de la fraude fiscale, de la contrebande, du trafic de munitions, d’armes de guerre et de petits calibres, des faux et usage des faux et de la traite des personnes ». S’agissant de la menace de financement du terrorisme, elle se caractérise par l’existence sur le territoire centrafricain de groupes armées (7 principalement : FRPC, RJ, 3 R, UPC, MPC, FDPC et MLCJ) et la proximité de la RCA avec certains pays où sévissent des groupes terroristes et bandes armées (Cameroun, Tchad, RDC et Soudan). Les attaques menées par le groupe terroriste dit l’Armée de résistance du Seigneur (LRA), actuellement actif dans le triangle frontalier délimité par le Soudan du Sud, la Centrafrique et la RDC en est une parfaite illustration. De même, il existe dans les pays environnants des points de recrutement de terroristes et mercenaires (Ouganda, Tchad, Cameroun, Soudan, Niger et RDC), avertit le Gabac.

Autorité de l’Etat

Toujours selon le Gabac, s’agissant des principaux facteurs de vulnérabilité qui favorisent l’exposition de la RCA à ces deux fléaux, qu’ils sont inhérents à l’absence de l’autorité de l’Etat dans certaines zones, la porosité des frontières couplée à l’activité des bandes et groupes armés aux frontières, la faiblesse des contrôles douaniers aux frontières, la transhumance, l’économie essentiellement marquée par des opérations en espèces, la faible inclusion financière, la grande taille du secteur informel, le recours à des systèmes de transfert de type Hawala, la faible capacité de contrôle du circuit d’exploitation des ressources naturelles, etc. Entre autres mesures prioritaires, le Gabac recommande aux autorités centrafricaines de mener une évaluation des risques sectoriels inhérents aux activités liées aux actifs virtuels en RCA, notamment ceux liés à l’anonymat, à la traçabilité des transactions et aux produits émergents ; édicter les mesures d’application de la loi n° 22/004 du 22 avril 2022 régissant les crypto-monnaies en RCA, former et sensibiliser les acteurs-clés sur les risques et leurs obligations liés à la cryptomonnaie et opérationnaliser l’Agence nationale de régulation des transactions électroniques, en précisant ses attributions dans la régulation et le contrôle des opérations en cryptomonnaie ainsi que les conditions d’agrément et les obligations de tous les acteurs du secteur, conformément aux recommandations du Groupe d’action financière (Gafi).

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