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Management des entreprises publiques : zoom sur les bons et les mauvais élèves de l’Etat

La Commission Technique de Réhabilitation des entreprises du secteur public et parapublic (CTR), a rendu public au cours de ce mois de janvier son rapport sur la situation des Entreprises Publiques et des Etablissements Publics au 31 décembre 2020. Il est consacré sans exhaustivité dans ce rapport, l’analyse d’une soixantaine d’entités reparties en huit secteurs d’activités dans les domaines de l’agriculture, la sylviculture, le développement rural, l’élevage, la pêche et les Industries animales ; des établissements financiers ; des hydrocarbures, l’eau et l’électricité ; de l’industrie et du commerce ; du transport aérien et maritime ; du génie civil, BTP et l’habitat... S’il est évident que l’année 2020 a été particulièrement marqué par la prévalence de la pandémie de Coronavirus, laquelle a sérieusement impacté les activités de la plupart des entreprises, il n’en demeure pas moins vrai que quelques-unes ont brillé par des performances louables, qui ont considérablement contribué à améliorer la croissance économique du pays. C’est le cas des Ports de Douala et de Kribi, de la Sodecoton, ou encore de la Scdp. A contrario, d’autres sont restés d’éternels gouffres à sous pour l’Etat, présentant des déficits sur divers aspects, à l’instar de Camair-Co, Alucam, Cicam... EcoMatin dresse un tableau non exhaustif de ces entreprises publiques, parmi les bons et les mauvais élèves de l’Etat.

Port de Douala : une augmentation de 17% du chiffre d’affaires en 2020

L’année 2020 se solde sur une note positive pour le port Autonome de Douala (PAD). Le bilan dressé de cette Société à capital public par la Commission Technique de Réhabilitation des entreprises du secteur public et parapublic (CTR), au titre de l’année 2020, fait état de ce que sur la période susmentionnée, le PAD laisse apparaître une hausse de 17% de son chiffre d’affaires entre 2019 et 2020. Ceci grâce essentiellement à l’augmentation des redevances versées par la Régie du Terminal à conteneurs (RTC) malgré la baisse de 36,64% du trafic-navires.

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Outre ce facteur, la commission indique que, « ce relèvement du chiffre d’affaires est également dû à la hausse du tonnage des marchandises au Port de Douala de 0,18% en 2020, réalisée à hauteur de 95,78% grâce aux économies d’échelle résultant de la rationalisation des déplacements des armateurs», souligne le document. En matière d’endettement, les dettes fournisseurs et fiscales du port de Douala affichent une baisse respectivement de 22% et 24%. Il en de même des avances reçues des clients qui ont diminué de 4%. En revanche, la dette sociale et les autres dettes sont en augmentation respectivement de 28% et 307%. Pour pérenniser ces acquis, la commission préconise au PAD la poursuite de l’implémentation de son schéma directeur de développement, dont la déclinaison apparait dans le plan d’entreprise 2020-2024, et minimiser les risques.

Port de Kribi : les capitaux propres grimpent de 29%

A l’analyse du rapport 2020 de la Commission Technique de Réhabilitation des entreprises du secteur public et parapublic (CTR), le Port Autonome de Kribi (PAK) enregistre une augmentation de l’ordre de 29% de ses capitaux propres au cours de l’année 2020. Elles s’expliquent par l’accumulation des bénéfices non distribués, qui assurent l’autonomie financière de l’entreprise avec un ratio inferieur à l’unité. En dehors des capitaux propres en progression, l’entreprise à capital public achève l’année 2020, avec un chiffre d’affaires en hausse de 32% entre 2018 et 2020. Aussi, une croissance soutenue du nombre d’escales de navires qui s’établit à 40% contre 11% en 2019 est enregistrée. «Le PAK a franchi en 2020 la barre symbolique de mille (1000) escales navires accueillis et manutentionnés en toute sécurité.

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Sur le plan structurel, le PAK a amélioré ses indicateurs de performance portuaire à travers un temps d’attente raisonnable (1.5 jour sur le TAC), une cadence de chargement à la hausse (la cadence de manutention du bois est passée de 934 m3 en 2019 à 1500 m3 en 2020) et une connectivité plus étendue (220 navires différents ont fait débarquer leurs conteneurs à Kribi en 2020) », souligne le rapport. Coté créances, le document note que « les créances sur l’Etat et les collectivités publiques ont diminué de 4%. Elles sont constituées des dépenses d’investissements à la charge de l’Etat mais financées par le PAK et en cours de validation par le MINFI (13,10%), d’un crédit de TVA (0,40%), de la TVA récupérable (0,06%) et d’un avoir fiscal relatif à la patente payée en double (0,02%) ».

Scdp : une allocation de 87 milliards pour la relance des activités de la Sonara

C’est depuis le mois de mars 2020, qu’est entré en vigueur la nouvelle grille des produits pétroliers. Celle-ci  intègre la ligne «soutien à la Raffinerie » dans la structure des prix des produits pétroliers pour assurer à la Société Nationale de Raffinage (SONARA), une marge minimale de 47,88 FCFA/litre, et à collecter par la SONARA et la Société Camerounaise des Dépôts Pétroliers (SCDP). Pour cette dite ligne la Scdp a reversé la somme de 87 milliards dans le compte soutien à la Raffinerie domicilié à la BEAC a-t-on appris. « S’agissant de la collecte des 47,88 FCFA relatifs au poste soutien à la raffinerie de la structure des prix des produits pétroliers et pour laquelle une convention de collecte a été signée avec le MINFI, il y a lieu de relever que pour la période mars 2020 à juin 2021, la SCDP a facturé aux Marketers FCFA 101 539 261 522, a recouvré pour la période mars 2020 à juillet 2021 FCFA 87 877 847 332 et a reversé au cours de la même Période », informe le rapport 2020 de la Commission Technique de Réhabilitation des entreprises du secteur public et parapublic (CTR).

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Le rapport souligne par ailleurs que le chiffre d’affaires de la SCDP a continué sa progression pour se situer à 20 milliards de FCFA en 2020, soit une hausse de 17,98% par rapport à 2019. Cette augmentation s’explique par la revalorisation de 2 FCFA/Litre du taux de passage sur les produits blancs. Toutefois, rapport invite l’entreprise à la poursuite du programme d’augmentation des capacités de stockage des produits blancs et GPL ; à la maîtrise des pertes d’exploitation par la poursuite du programme de métrologie…

Sodecoton : la production de coton graine augmente de 2,6%

La Société de Développement du Coton du Cameroun (SODECOTON), détenue par l’Etat (59%) ; Geocoton (30%) SMIC SA (11%) a réalisé au cours de l’année 2020 une production de coton graine en hausse de 2,6% apprend-on du rapport de 2020 de la Commission Technique de Réhabilitation des entreprises du secteur public et parapublic (CTR).

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En effet, la production du coton graine s’est établit à 328 454 tonnes contre 320 077 tonnes en 2019, pour un rendement moyen en 2020 de 1477 kg/ha en hausse de 3,57% par rapport à l’objectif ciblé de 1426 kg fixé par le plan de redressement. La transformation dudit coton graine, a généré une production de coton fibre de 138 609 tonnes (+4,22%) en 2020. «Cette évolution s’explique par les dispositions prises par la structure pour maintenir la production de coton pendant la période de crise sanitaire. Il s’agit précisément de la mise en place des intrants agricoles, de la révision des usines d’égrenage, la réfection des pistes, ainsi que les multiples actions menées par les encadreurs des producteurs de coton, la bonne cohésion des équipes impliquées dans les évacuations du coton graine», explique le document.

Les flops

Cicam : la Covid-19 entraine une chute de 26,2% de son chiffre d’affaires

Depuis sa création en 1965, jamais La Cotonnière industrielle du Cameroun (Cicam) ne s’est sentie autant mal financièrement qu’au cours de l’année 2020. Ceci à cause de l’apparition de la pandémie de Coronavirus qui a porté un sérieux coup à ses activités. Déjà confrontée à d’énormes difficultés structurelles et financières, celles-ci se sont donc accentuées avec la Covid-19, entraînant par ailleurs une chute record de son chiffre d’affaires en 2020. Il a baissé de 2,6 milliards de FCFA en valeur absolue, soit 26,2% en valeur relative en glissement annuel par rapport à 2019. Et pour la première fois depuis sa création, elle enregistre un chiffre d’affaires en deçà de 10 milliards de FCFA.

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Cette contre-performance résulte d’une sous-activité de la Cicam en 2020 du fait de la Covid-19, caractérisée par l’annulation par le Gouvernement de la célébration du 1er et 20 mai 2020, engendrant ainsi l’annulation de la commande de ces évènements qui génèrent au moins 80% du chiffre d’affaires de l’entreprise. « La CICAM n’a pas su capitaliser les effets positifs de la pandémie et accumule un stock d’environ 150 000 masques non vendus. Cette régression du chiffre d’affaires s’explique également par l’obsolescence de l’outil de production qui entraine d’importants coûts d’entretien et un faible rendement », indique le rapport de la CTR.

La CICAM a atteint à nouveau le seuil critique pour la poursuite de son exploitation en raison de l’accumulation des déficits chaque année. A titre d’illustration, ses fonds propres se sont considérablement dégradés de -72,45 % en 2020, et son rythme d’endettement demeure préoccupant, et est évalué au 31 décembre 2020 à 22 milliards de FCFA.

Alucam : des pertes de 14 milliards de FCFA malgré la fusion avec Socatral

Empêtrée dans des difficultés depuis le retrait de son partenaire Rio Tinto Alcan en 2015, lesquelles ont été accentuées par l’incident de rupture brutale d’énergie électrique intervenue en janvier 2018, une reconfiguration du modèle d’affaires de la Compagnie camerounaise de l’Aluminium (Alucam) devenait inévitable. Elle a donc été amorcée, et a été marquée en 2020 par la fusion avec la Société Camerounaise de Transformation de l’Aluminium  (Socatral). A la suite de cette opération, l’Etat a décidé d’injecter 7 milliards de FCFA dans le capital de cette entreprise, et a décidé de reprendre la dette d’Alucam vis-à-vis de l’énergéticien Eneo au titre de l’exercice 2019, soit 33,7 milliards de FCFA.

Pour autant, ces actions n’ont pas contribué à assurer une stabilité financière à l’entreprise. Et l’arrivée de la pandémie de Coronavirus en 2020 n’a pas non plus arrangé les choses. Le chiffre d’affaires d’Alucam a baissé, de 87 milliards en 2019 à 80 milliards de FCFA en 2020. Pis, Alucam a enregistré un résultat net déficitaire de -14,393 milliards de FCFA au cours de l’exercice 2020. Ainsi, malgré la fusion avec SOCATRAL dont le but était d’améliorer la situation nette de la société, l’alerte a été donnée au regard de la dégradation conséquente des capitaux propres devenus négatifs en passant de 5,935 milliards en 2019 à  -8,358 milliards en 2020 avec un risque de solvabilité très élevé.

Camair-Co : l’Etat injecte 27,841 milliards en 3 ans sans effets

La compagnie aérienne nationale Cameroon Airlines Company (Camair-Co) affiche des performances on ne peut plus dégradantes au fil des années, et pas susceptibles de s’améliorer malgré les actions envisagées par l’Etat en vue de son redressement. Dans son rapport sur la sur la situation des entreprises publiques et des établissements publics au 31 décembre 2020, la Commission Technique de Réhabilitation des entreprises du secteur public et parapublic (CTR) alerte sur la décadence des chiffres enregistrés par la compagnie au cours des trois dernières années, et révèle qu’elle aurait enregistré, en 2020, une baisse record de 78% de son chiffre d’affaires. Celui-ci serait évalué à 2,393 milliards de FCFA en 2020, contre 10,664 milliards de FCFA en 2019, alors qu’une baisse de 46% était déjà enregistrée au cours du même exercice.

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La situation financière de l’entreprise est demeurée préoccupante, et s’est détériorée malgré la subvention d’exploitation mobilisée par l’Etat au profit de Camair-Co sur la période 2017-2020 et qui se chiffre à 27,841 milliards de FCFA. « Le ratio de liquidité est en constante diminution passant respectivement de 24,42%, 18,05% et 16,28% entre 2017 et 2019. Il en est de même pour le ratio de solvabilité qui passe de – 56,21% à -36,8% pour finalement atteindre -31,08% sur la même période. L’entreprise a ainsi à la fois, des difficultés à faire face à ses engagements à court termes et à assurer sa pérennité », renseigne le rapport de la CTR.

Camwater : rythme d’endettement soutenu malgré une légère baisse de 1%

Dans le sous-secteur Eau et Electricité, le chiffre d’affaires de la société Cameroon Water Utilities (Camwater) a connu une hausse de 1,8%, par rapport à 2019. Pour l’exercice 2020, l’entreprise a réalisé un chiffre d’affaires de 39,884 milliards de FCFA. Ceci s’explique dans une certaine mesure, par l’effort consenti par l’Etat, principal créancier de l’entreprise, pour l’apurement de 66,2% de sa dette évaluée en 2018 à la somme de 45,633 milliards de FCFA. En 2020, elle ne se chiffre plus qu’à 15,418 milliards de FCFA.

Par ailleurs, l’apurement partiel des créances sur l’Etat de Camwater, n’occulte pas cependant les dettes enregistrées par l’entreprise vis-à-vis de ses prestataires entre 2018 et 2020. En outre, cet endettement est constitué pour l’essentiel, des conventions de financement signées avec ses principaux bailleurs de fonds, notamment Eximbank China, Eximbank USA, IDA, BAD, Dexia et BEI-AFD.

Les dettes financières de l’entreprise sont à cet effet, passées de 465,231 milliards de Fcfa en 2019 à 460,118 milliards en 2020, soit une baisse de 1,09%. Rappelons que cet endettement a baissé de 5,074 milliards de Fcfa, en raison de l’achèvement de certains projets. La société a également enregistré entre 2019 et 2020, une hausse de 13,87% de ses dettes envers ses fournisseurs. En ce qui concerne le trésor public, le rapport sur Camwater laisse apparaitre une ardoise de 12,151 milliards représentant les dettes fiscales de l’entreprise.

Yannick Kenne, Amina Malloum, Mairamou Abdou

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