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Travaux publics : la défaillance du processus de sélection des entreprises locales multiplie la résiliation des marchés

Dans leur grande majorité, les décisions de résiliation des contrats avec les entreprises de BTP signées par le MinTp renseignent que ces différentes résiliations sont la conséquence du non-respect des obligations contractuelles, notamment des chronogrammes d’achèvement des travaux pour une période délai, rendement insatisfaisant ou encore manque de perspective et de visibilité dans l’achèvement des travaux.

Au moment où le ministère des Travaux publics (MinTp) est pris dans un bilan des évolutions des différents chantiers engagés sur les routes du Cameroun, une nouvelle décision de résiliation de contrat est tombée le 22 mars dernier. Emmanuel Nganou Djoumessi, ministre des Travaux public, a signé une décision portant résiliation, mais également suspension de tous les marchés pour 2 ans, du contrat avec le groupement de nationaux Wambo et Gege Business Sarl pour l’exécution des travaux de construction de la section routière Bouam-Diang-Andom (25,2 km), dans la région de l’Est. Le contrat d’une valeur de 4,7 milliards de Fcfa est le sixième d’une saga de contrats de travaux routiers résiliés en l’espace de quelques mois.

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En février dernier, l’entreprise camerounaise Bofas s’est vu retirer le marché de réhabilitation de la section 3 de la route Babadjou-Bamenda, plus précisément le tronçon Bamenda up-hill station bypass de 4,930km pour un montant de 14,3 milliards de Fcfa. Il convient de relever que c’est le 2e marché qui est retiré à l’entreprise Bofas après celui de la construction de la route Soa-Esse-Awae en jointure avec l’entreprise Super Confort, résilié en novembre 2023. Ledit marché était évalué alors à près de 42 milliards de Fcfa prenait en compte un linéaire de 82 km séparé en deux lots qui s’étendent d’Awae à Esse (33km) pour le premier et d’Esse à Soa pour le second (49 km).

Un problème d’imposture

Dans l’ensemble, les décisions signées par le MinTp renseignent que ces différentes résiliations sont la conséquence du non-respect des obligations contractuelles notamment des chronogrammes d’achèvement des travaux pour une période délai, rendement insatisfaisant ou encore manque de perspective et de visibilité dans l’achèvement des travaux. Approché par EcoMatin sur la question des récurrences des ruptures de contrats, Michel Mbem, Directeur des investissements routiers (DIR) au MinTp indique que « une résiliation est un échec pour toute la chaîne mais l’entreprise étant responsable des travaux, elle est celle qui est sanctionnée. C’est elle qui est attributaire du marché donc elle décide de tout et on se rend compte plus tard que nous avons été bernés en leur attribuant des marchés qui ne sont pas à leurs niveaux ».

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Selon lui, le problème intervient d’abord au niveau de la sélection des entreprises. « Il y a déjà un problème assez grave au niveau de la sélection et les entreprises sont toujours les responsables car dans leur dossier de soumission, elles mettent des références qui ne correspondent à rien ». Ainsi dit, nous fait-il comprendre, le processus de sélection de l’autorité des marchés publics, le ministère des Marché publics (MinMap), est non seulement défaillant mais limité dans la phase d’analyse des dossiers de candidatures. En effet, selon la même source, au-delà de la corruption, les entreprises locales font très souvent usage de faux et la règlementation camerounaise des marchés publics ne donne pas la latitude aux services du MinMap d’analyser en profondeur les dossiers. Ainsi, les documents fournis aux sous commissions font foi, qu’ils soient vrais ou faux. Contactés sur la question, le MinMap n’a pas voulu s’exprimer.

Des entreprises locales amateurs

Le constat fait est que les entreprises locales sont plus sujettes aux résiliations que les expatriées. Le DIR explique que celles-ci sont moins bien outillées, préparées financièrement et performantes que les entreprises étrangères. Elles ne disposent très souvent ni des moyens financiers, ni des ressources humaines nécessaires. De plus, ces entreprises de BTP sont incompétentes et avides de bénéfices. « Une entreprise qui n’a même pas encre fait un bon reprofilage d’une route en terre vient se positionner pour dire qu’elle est déjà capable de construire une route. Les entreprises locales doivent comprendre que les marchés d’infrastructure ne sont pas des marchés de fournitures », martèle le DIR. Selon ce dernier, là où les multinationales ne réalisent pas 10% de bénéfice par marché, les locaux attendent des retours à l’échelle des 2/5 des montants mis à disposition. Sur plusieurs dizaines d’entreprises locales en contrat avec le MinTp, seulement 2 affichent des rendements satisfaisants. Cette mauvaise performance a un impact le chronogramme des activités du département ministériel ainsi qu’au niveau budgétaire (non estimé).

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Par conséquent, à la suite d’une résiliation, le bilan technico financier du projet est fait en fonction de l’avancée des travaux et le marché de relais est à la charge de l’entreprise qui a perdu le contrat (financement, recherche de la nouvelle entreprise et sécurisation des parties déjà livrées). « Les dépenses engendrées par le remplacement pour le marché de relais sont mis sur le dos du prestataire défaillant et font partie du solde tout compte. Si vous faites un travail de base, et puis le remplaçant venu pour l’achever constate qu’il est dégradé, il est obligé de refaire la même tâche et l’Etat ne peut pas payer pour la même tâche 2 fois. Quelqu’un doit payer et c’est l’entreprise défaillante qui doit payer », explique le DIR.

Soulignons que, d’après le DIR, les entreprises étrangères font également les frais des ruptures de contrats avec le MinTp. En attendant la consolidation des soldes tout compte des projets retirés aux expatriés, on relève les récents cas de résiliation à l’instar du Tunisien Soroubat qui a perdu le marché de la route Ekondo Titi-Kumba (60 km) dans la région du Sud-Ouest pour des raisons sécuritaires en janvier 2024 ou encore le Tchadien Encobat qui a perdu le marché de construction de la route Bonepoupa-Douala (33 km) en novembre 2023 à cause du manque de visibilité dans la conduite et l’achèvement du projet.

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